Le style dans le dessin

Il y a quelque temps, une personne m’a confié qu’elle ne comprenait pas pourquoi mon dessin n’avait pas « évolué ». Elle avait imaginé que j’aurais pu dessiner des êtres enlacés, comme le fait « cette illustratrice » si talentueuse.

Un de mes dessins d’enfant… On retrouve les bras « chewing-gum » de mes personnages actuels.

Mais cette personne confondait « évolution » et « style ». Cela n’a rien à voir.

Elle comparait deux styles, donc deux personnalités différentes, et donc deux univers différents. Je le dis à mes élèves, la comparaison est un poison !
En effet, souvent, un élève est admiratif du travail de son camarade et aimerait produire la même chose. Cet élève, se sent « nul », se dévalorise, se décourage, alors que son potentiel est bien là mais pas encore révélé. Il cherche à copier, parce qu’il aime les créations de l’autre, ce qui est normal et humain. Parce qu’il pense qu’il ne peut rien offrir, rien sortir de ses mains. D’ailleurs, chercher à créer ou à recopier un style est une erreur. Il faut le laisser venir. On peut s’inspirer, bien sûr, mais rien ne remplace notre expression personnelle. En dessinant, en pratiquant ; notre personnalité se fond dans le dessin. C’est notre main qui fait sortir notre univers du crayon et le pose sur le papier.

Nous avons tous quelque chose à dire, à exprimer. Nous pouvons ressentir les mêmes choses mais jamais nous ne les exprimerons de la même manière. C’est ça la magie de l’art. Un même sujet peut être peint siècle après siècle, les tableaux ne seront jamais les mêmes. Parce que nous sommes uniques. Mais le dessin est surtout une question de sensation. On ne reproduit pas la réalité, mais son ressenti. Dessiner, c’est apprendre à se libérer et à se laisser vibrer et transporter par ses émotions, que l’on retranscrit sur le papier.

On observe une nette évolution. Je devais avoir 12/13 ans.

Ce qui importe par-dessus tout dans une œuvre d’art, c’est la profondeur vitale de laquelle elle a pu jaillir.

Ulysse (1922) de James Joyce
Saurez-vous deviner quelle fable de La Fontaine j’ai illustrée à l’âge de 8 ans ?

On peut effectivement observer, regarder, analyser, s’inspirer, aimer ou détester les créations des autres. Mais comparer le travail de deux artistes n’a pas de sens. Parce que ces personnes ont chacune un message, des émotions, des sensations, des sensibilités différents à partager. Et elles les exprimeront d’une manière différente. Un style est le résultat d’un cheminement de plusieurs années, voire de toute une vie ! Il se travaille, se développe, se peaufine. C’est au fil des expériences, des émotions, du vécu, des trouvailles, de l’environnement culturel, des richesses, des ressources de chacun, de notre ouverture sur le monde, qu’il prend forme et qu’il évolue. Il est le fruit de notre personnalité, il reflète qui on est, il est à notre image. Et nous ne pouvons pas être quelqu’un d’autre.

Le souci du détail ! Je devais être à l’école primaire, je devais avoir 9 ou 10 ans ?

Alors laissez vos sensations et vos émotions s’échapper du fond de votre cœur et de vos tripes, et offrez-les aux autres en créant.

Et voici le résultat d’années de pratique du dessin !